Titre original: | Au nom du pape roi |
Réalisateur: | Luigi Magni |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 107 minutes |
Date: | 15 novembre 1978 |
Note: |
En 1867, les forces italiennes sont aux portes de la ville de Rome, encore tenue par les zouaves pontificaux. Ce n’est sans doute pas le meilleur moment pour se poser des questions sur l’allégeance au pape. Suite à une grave crise de conscience, Monseigneur Colombo, juge au tribunal du sacré collège, s’apprête néanmoins à rendre sa démission, pour n’être désormais qu’un simple curé. Il reçoit alors en pleine nuit la visite de la comtesse Flaminia. Celle-ci l’implore d’intervenir auprès du Saint-Siège dans le procès contre trois rebelles, qui ont posé une bombe dans une caserne. L’un de ces patriotes libéraux est Cesare Costa, le fils illégitime de l’aristocrate, né quelques mois après qu’elle a eu une aventure avec Colombo.
Il nous reste tant de films italiens à découvrir … Comme celui-ci, issu de la fin de la grande époque du cinéma transalpin, qui englobe essentiellement les années 1960 et ’70. Comparé à cet âge d’or, l’époque des Fellini, Antonioni, Visconti, Leone, Bertolucci et tant d’autres, la production contemporaine fait pâle figure, malgré l’initiative louable de distributeurs spécialisés, comme Bellissima Films, de nous en rendre accessible un large florilège d’œuvres. Pendant cette parenthèse enchantée, il y avait de tout dans les films de nos voisins latins : de la comédie si euphorisante qu’elle était devenue un genre national à part entière, des drames sociaux dont le ton polémique et téméraire représentait le véritable cinéma engagé de l’époque et puis des genres si richement fournis, du western au péplum, en passant par le policier, que Cinecittà pouvait sérieusement rivaliser avec Hollywood pendant une brève période. Hélas, tout cela appartient désormais à l’Histoire ancienne, aussi à cause du spectre de Berlusconi qui plane toujours sur la société et la culture italiennes. Or, dénicher des films plutôt méconnus de ces années-là sert également à se rappeler, sans trop de nostalgie, la richesse et la variété passées du cinéma européen en général et italien en particulier.
Ce qui ne signifie guère que Au nom du pape roi serait un chef-d’œuvre somptueux injustement ignoré. Rien que l’aspect visuel du film le place en fait du côté d’une modestie théâtrale, avec quelques décors dépouillés au sein desquels l’intrigue se déroule. De même, le langage filmique du réalisateur Luigi Magni ne se démarque pas non plus par quelque prouesse que ce soit. Et pourtant, ce cadre conventionnel se met entièrement au service d’un exercice subtil de reconstitution historique sur un ton malicieusement satirique. La revendication de l’affaire réelle du procès de Monti et Tognetti, mentionnée au générique de fin, sonne presque comme le cachet d’une véracité historique superflue, après le pamphlet rocambolesque qui l’a précédée. Le récit semble davantage puiser sa vivacité dans une longue tradition comique, faite de quiproquos et autres chamailleries équivoques entre les personnages, que dans un passé ecclésiastique poussiéreux, au mieux représenté dans l’aspect baroque des palais épiscopaux.
Le Vatican n’est ici que le symbole d’un monde révolu, encore trop absorbé dans sa propre supériorité morale – autoproclamée, cela va de soi – pour déchiffrer correctement les signes des temps qui changent. Cette thématique universelle rend le film étonnamment frais, bien qu’une certaine dualité existe, là aussi, avec cette gestuelle exagérée des comédiens, qui ressemble désormais à un cliché italien. Ce tempérament méditerranéen atteint cependant un niveau appréciable d’ambiguïté en la personne du Monseigneur Colombo. Celui-ci n’est pas exactement le maître de ce jeu truqué à la veille de l’insurrection, mais il n’en est pas non plus l’observateur sage et distant. Son rôle est beaucoup plus pernicieux, à l’image de ces hommes tiraillés entre leur volonté et leur devoir, qui finissent par avoir malgré eux le cul entre deux chaises. Sa lucidité ironique se répercute sur le film dans son ensemble, qui n’a certes pas révolutionné le cinéma italien, mais qui en est un représentant plus que digne.
Vu le 20 novembre 2014, au Champo, Salle 2, en VO
Note de Tootpadu: