A Girl walks home alone at night
Titre original: | A Girl walks home alone at night |
Réalisateur: | Ana Lily Amirpour |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 100 minutes |
Date: | 14 janvier 2015 |
Note: | |
Toxicomane, le père du jardinier Arash doit de l’argent à son dealer. Ce dernier se rabat sur la voiture d’Arash, grâce à laquelle il séduit toutes sortes de prostituées dans les rues malfamées, la nuit à Bad City. Un soir, il ramène une femme voilée mystérieuse chez lui, qui finit par l’assassiner sauvagement. Arash profite de ce meurtre pour récupérer sa voiture, ainsi que de la drogue qu’il vend dès lors à son compte. Mais lui aussi tombera sous le charme vénéneux de l’inconnue.
Critique de Mulder
Envoûtant, poétique, l’essence pure du cinéma fantastique. Voici comment on pourrait définir le premier film de la scénariste et réalisatrice Ana Lily Amirpour. A Girl Walks Home Alone At Night, un titre assez long et surtout coupant avec la formule actuelle voulant que les films aient un titre court pour être mieux retenu montre bien la volonté de la réalisatrice de vouloir s’émanciper de la forme actuelle du cinéma. Cette volonté se ressent non seulement en tournant un film américain en iranien mais également en noir et blanc. Autant d’audace dans un premier film témoigne qu’Ana Lily Amirpour est une réalisatrice à suivre de très près.
Dans une petite ville du nom de Bad city, la mort et la solitude semblent toucher toute la population. Une créature vampirique semble être à l’affut des êtres humains qu’elle juge coupable et dont elle se nourrit. Un tel scénario nous renvoie aux films fantastiques de la fin des années 70. On pense par cette ambiance pesante aussi bien aux films de David Lynch (notamment à Eraserhead (1977) et The Elephant man (1980)) qu’aux films de vampires tel Nosferatu Fantôme de la Nuit de Werner Herzog (1979) mais surtout aux films de John Carpenter (Halloween, La Nuit des masques (1978)…).
Dans une ambiance onirique, l’utilisation d’un noir et blanc magnifique et envoutant nous renvoie à nos peurs profondes, à cette hantise de trouver sa place dans un monde où le mal est partout. Personne dans le film n’est réellement innocent y compris le personnage masculin principal Arash (Arash Marandi). Ce premier film sans négliger une évolution dramatique apporte une réelle volonté malgré un budget restreint de proposer de magnifiques plans et surtout renforcer le climat par une musique parfaitement en phase.
A l’image du premier film de Quentin Tarantino, Ana Lily Amirpour maitrise parfaitement l’association de l’image et de la musique et s’appuie sur un choix parfait de chansons underground. En faisant appel par moment à une musique digne héritière des westerns spaghettis, le film semble par moment s’apparenter à un western âpre et intimiste. Il rend hommage aussi à l’univers des comics et on se doute que le nom de cette ville de Bad city est un clin d’œil appuyé aux romans graphiques de Frank Miller. Le découpage des scènes de ce film vient renforcer la volonté de la scénariste, réalisatrice de créer un véritable univers et donc ne pas se limiter à faire de son film un simple film fantastique.
La réalisatrice s’appuie aussi sur la présence de le comédienne Sheila Vand qui s’est fait remarquer dans l’excellent film de Ben Affleck Argo (2012). Elle donne à son personnage de vampire une réelle profondeur et une apparence de malédiction pesant sur cette créature. Le film montre que même dans un univers hanté par la mort, l’amour peut toujours s’ériger comme un échappatoire.
Ce film qui sera présenté la semaine prochaine en compétition officielle du cinéma américain de Deauville est mon premier coup de cœur du mois de septembre et surtout reste ancré dans nos mémoires comme un cinéma fantastique, intelligent et novateur. Une jeune réalisatrice réussit son passage derrière la caméra et nous attendons avec impatience ses prochaines œuvres.
Vu le 28 août 2014 au Club de l’Etoile , en VO
Note de Mulder:
Critique de Tootpadu
La compétition du 40ème festival du cinéma américain vient à peine de commencer. Cependant, il nous paraît peu probable que nous tombions dans les huit jours à venir sur un film d’une plus grande beauté esthétique ! La photographie en noir et blanc de A Girl walks home alone at night est simplement sublime. Si un prix technique existait dans le palmarès du festival, qui donne l’avantage à la reconnaissance globale de l’œuvre cinématographique, le premier film de la réalisatrice Ana Lily Amirpour le mériterait amplement. Le jeu des zones d’ombres et de lumière y accentue la sensation d’oppression, tout en conférant un aspect saisissant à un décor urbain, qui brille autrement par sa désolation. Si cette histoire de vampire un peu trop tirée en longueur retient tant soit peu notre attention, elle le doit avant tout à la photographie magistrale de Lyle Vincent.
Car une fois que l’on fait abstraction de la forme éclatante, il ne reste plus grand-chose en termes de fond et de complexité dramatiques. La narration se complaît parfois à laisser les séquences s’étirer et, généralement, les rares revirements auraient plus convenablement rythmé un métrage d’une moindre durée. L’évocation d’une étrangeté vaguement inquiétante, où la mort peut ressembler à la délivrance d’une existence misérable, est encore renforcée par l’emploi du farsi, une langue que l’on a l’habitude d’entendre du côté des drames austères de Asghar Farhadi. Dans le cadre d’un film de genre, qui cherche l’horreur suscitée par les vampires dans l’intimité d’une rue déserte la nuit, elle contribue par sa tonalité peu familière à dépeindre un univers apocalyptique, aux cadavres jetés sans explication dans une sorte de fosse commune artisanale.
En somme, la maîtrise remarquable de la forme visuelle joue presque contre la tenue globale du récit, assez anémique du côté du seul et unique personnage sanguinaire. Tandis que nos yeux sont éblouis par une image renversante, notre cerveau se demande encore à quoi rime cette intrigue plutôt vague et mollement contemplative.
Vu le 6 septembre 2014, au C.I.D., Deauville, en VO
Note de Tootpadu: