Titre original: | Libre et assoupi |
Réalisateur: | Benjamin Guedj |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 93 minutes |
Date: | 07 mai 2014 |
Note: |
Sébastien n'a qu'une ambition dans la vie : ne rien faire. Son horizon, c'est son canapé. Sa vie il ne veut pas la vivre mais la contempler. Mais aujourd’hui, si tu ne fais rien... Tu n’es rien. Alors poussé par ses deux colocs, qui enchaînent stages et petits boulots, la décidée Anna et le pas tout à fait décidé Bruno, Sébastien va devoir faire ... Un peu.
Drôle de titre pour le premier film d’un réalisateur à suivre de près. Benjamin Guedj témoigne en tant que réalisateur et scénariste qu’il porte un regard assez réaliste sur une génération de jeunes adultes aussi à l’aise dans les études supérieures que dans des penchants versatiles. Loin du cocon familial, le jeune Sébastien préfère ne rien faire plutôt que de trouver un premier travail soit comme stagiaire puis salarié d’une société ou en intérim. Nous sommes donc loin du conformisme de ces comédies françaises prônant la réussite dans son travail pour accéder à un certain niveau de vie. Poussé par ses deux autres colocataires Bruno et Anna, Sébastien va d’abord se contenter du RSA avant de se remettre en question et trouver le poste parfait pour lui.
Le film libre et assoupi est l’adaptation assez libre du premier roman de Romain Monnery Libre, seul et assoupi. Ce constat dramatique témoigne avec beaucoup d’ironie sur la condition de jeunes surdiplômés incapables de trouver un travail leur permettant de vivre décemment. Notre société actuelle est faite de manière inégale du point de vue des chances de trouver un emploi et de réussir. Certes la sélection se fait sur le degré d’études supérieures mais aussi sur l’expérience professionnelle, l’existence d’un réseau social et d’un petit facteur chance. Le personnage de ce film malgré son oisiveté se révèle être par sa manière de vivre un rebelle en force, un anti-conformiste. La force du film tient donc à la présence de personnages parfaitement dessinés et intéressants. Le réalisateur peut ainsi s’appuyer sur la présence de trois excellents comédiens. Baptiste Lecaplain dans le rôle de Sébastien confirme qu’il fait partie de ces jeunes comédiens issus des planches du théâtre et/ou du one man show et qui se sont construit de vraies personnalités. De la même manière, le jeune comédien découvert dans les films LOL (Laughing Out Loud) (2008), Télé Gaucho (2011) est parfait dans un second rôle de co-locataire épris de Anna. Enfin, on ne présentera plus Charlotte Le Bon (Anna dans le film). Après avoir fait ses classes dans l’émission du Grand Journal comme Miss météo et joué dans différents films (La Stratégie de la poussette (2011), Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté (2012),..)
Dans le paysage actuel du cinéma français, le personnage de Sébastien amène une certaine fraîcheur par sa volonté d’être libre, de pouvoir totalement s’éclater sans se sentir exploité. Même si certaines entreprises reconnaissent le travail de leurs employés et leur permettent de s’épanouir dans leurs différents postes, celles montrées dans le film apportent une certaine vision guère enthousiasmantes du milieu professionnel. Le colocataire Bruno passera ainsi de conducteur de corbillard à gardien de nuit de musées avec la même agilité d’un éléphant dans un rayon de porcelaine. Le réalisateur marque donc des points en s’efforçant non seulement de garder l’esprit du livre mais également en donnant sa propre vision de notre société actuelle.
Enfin comment ne pas voir dans le personnage de Sébastien un hommage à peine déguisé au personnage créé par André Franquin dans le journal de Spirou en 1957, Gaston Lagaffe. Comme lui Sébastien est un jeune sans emploi, gaffeur, inventif. Ce n’est donc pas un hasard si lors d’une scène, Sébastien lit une bande dessinée avec ce personnage. Libre et assoupi est donc une bonne surprise, un film que nous n’attendions pas et qui nous distrait intelligemment et surtout nous montre une fois de plus que Charlotte Le Bon a tout d’une grande actrice. Son long monologue vers la fin du film est l’un des plus beaux et forts qu’un film français ait pu nous offrir récemment.
Vu le 28 avril 2014 au siège de Gaumont France
Note de Mulder: