Titre original: | Room 514 |
Réalisateur: | Sharon Bar-Ziv |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 91 minutes |
Date: | 09 octobre 2013 |
Note: |
D’origine russe, Anna est une enquêtrice de l’armée israélienne. Elle aura terminé son service militaire dans quelques semaines et laissera donc derrière elle son bureau, numéro 514, et son supérieur Erez, avec lequel elle entretient une affaire alors qu’il s’apprête à épouser une autre femme. La dernière enquête de Anna concerne la plainte d’une famille palestinienne, déposée suite à l’abus de pouvoir d’un officier de l’unité d’élite des Lions de Samarie lors d’un contrôle. Personne ne souhaite s’exprimer dans le cadre de cette affaire, que l’état-major préférerait étouffer. Mais petit à petit, Anna réussit à rétablir les fait et à convaincre les témoins de parler.
La situation politique au Moyen-Orient est si complexe et le champs des intérêts si vaste qu’aucun film ne saura venir à bout d’une problématique constamment sur le point d’exploser, surtout ces jours-ci avec la guerre civile syrienne qui risque d’embraser toute la région. Un film aussi intimiste que Room 514 ne peut pas avoir pour vocation de condenser les multiples facettes du quotidien israélien dans un huis-clos, entre les quatre murs d’un bureau terne et coupé du monde extérieur. Ce microcosme cinématographique récupère néanmoins l’essence de la tension, due à l’antagonisme pérenne entre Israéliens et Palestiniens, pour l’exprimer par le biais des frictions dramatiques d’une confrontation passionnante. Ce premier film intrigant ramène ainsi un dilemme géopolitique inextricable à son origine à petite échelle : des hommes et des femmes qui croient bien faire, selon la raison d’état ou leur philosophie de militaire dévoué, mais qui finissent par causer des dégâts importants.
Même sans le choix formel plutôt déconcertant de la caméra chancelante en permanence, l’intensité des interrogatoires est d’emblée palpable. Le fait que c’est une femme, de surcroît étrangère et effectuant simplement son service militaire obligatoire, qui prend en charge l’enquête garantit un point de vue sensiblement plus ambigu que celui de la plupart des drames militaires, dopés à la testostérone. Dans la mesure où la distinction entre le style d’un réalisateur et celui d’une réalisatrice serait possible et sans vouloir rentrer dans la vaine impasse sexiste d’une analyse en fonction du genre du metteur en scène, la narration de Sharon Bar-Ziv fait preuve d’une sensibilité à l’égard du personnage principal, très riche en contradictions plus humaines que féminines, que l’on ne s’étonnerait pas de trouver également dans un film tourné par une de ses consœurs. Notamment les nuances du rapport de force entre Anna et les témoins plus ou moins coopératifs qu’elle convoque, souvent de véritables machos qui comptent s’appuyer sur une distribution archaïque des rôles entre hommes et femmes, comptent parmi les aspects les plus réussis d’un film pas avare en subtilités. Ce qui ne signifie pas que nous ayons compris entièrement l’utilité des courtes séquences en noir et blanc, des parenthèses contemplatives pas forcément salutaires à la tenue globale du récit.
Enfin, l’état des lieux de l’armée israélienne que le film établit indirectement est, lui aussi, agréablement lucide. En somme, l’action individuelle n’y a qu’une importance anecdotique, tel un grain de sable dans un mécanisme implacable, alors que les grandes lignes d’une politique d’oppression des territoires occupés ou de préservation de l’état d’Israël, selon le point de vue, sont fixées au-dessus de ces subordonnés exécutants, quelque peu perdus dans le marasme moral qu’est, pour tous, le Moyen-Orient.
Vu le 9 septembre 2013, au Club de l'Etoile, en VO
Note de Tootpadu: