
Titre original: | 11.6 |
Réalisateur: | Philippe Godeau |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 102 minutes |
Date: | 03 avril 2013 |
Note: | |
Toni Musulin travaille depuis dix ans comme convoyeur de fonds pour la société Ibris. C’est un employé modèle, toujours ponctuel, jamais absent, qui ne fait pas d’histoires. Le refus de ses supérieurs de lui accorder un jour de congé en plein été, afin d’assister à l’enterrement d’un ami, déclenche pourtant une réaction en chaîne qui mènera au casse du siècle.
Critique de Tootpadu
Tout comme le premier film que Philippe Godeau a réalisé ne se focalisait pas exclusivement sur l’alcoolisme, son deuxième n’est pas un thriller haletant sur la dangerosité du métier de convoyeur de fonds. C’est plutôt une étude de caractère sérieuse autour d’un personnage antipathique, qui devient presque malgré lui le héros d’une contestation très actuelle, puisque dirigée contre la toute-puissance des banques et le clivage social grandissant. Dans la fiction – et probablement aussi dans la vie –, Toni Musulin ne paraît pas comme un individu qui inviterait le spectateur à s’identifier avec lui. C’est un homme renfermé, voire aigri, qui n’exprime son malaise existentiel qu’en achetant aux enchères une bagnole de luxe, parfaitement en décalage avec son statut social d’employé au salaire modeste. La médiocrité de sa vie, avec ce compagnon de travail ringard et cette copine bosseuse mais guère attrayante, se trouve à des années-lumière de l’image qu’il souhaite renvoyer aux autres en roulant en Ferrari 430.
Or, son parcours dans 11.6 n’est pas celui d’un Robin des Bois qui dépouille les riches pour donner aux pauvres, ni celui d’un Albert Spaggiari qui coule des jours paisibles en exil. Il est davantage marqué par une suite de frustrations et de détours, qui ne mènent à aucune satisfaction profonde. La rupture avec son entourage, aussi préméditée soit-elle, s’apparente ainsi à une libération mi-figue, mi-raisin. De même, sa fausse cavale n’a rien d’excitant et se solde, d’emblée dans le cadre du récit qui commence par l’épisode monégasque, par une peine de prison accomplie sans sourciller. Non, à première vue cet homme aux tourments intérieurs difficilement déchiffrables n’a rien d’un héros typique de film de gangster. La qualité principale de ce film sobre et ferme est alors de point lui imposer les passages obligés du genre, mais au contraire de le laisser avancer à son rythme.
Avec l’interprétation maîtrisée de François Cluzet comme allié précieux, la mise en scène excelle dans la concision caractéristique du protagoniste. Elle ne s’éparpille pas dans les intrigues parallèles ou les sursauts formels inutiles. Elle sait par contre rester fidèle à l’état d’esprit d’un homme à la fois austère et énigmatique. C’est aussi cela, le cinéma français de qualité : une histoire contée sans esbroufe, mais intimement convaincue que l’image qu’on se fait des héros criminels peut facilement s’avérer fausse.
Vu le 25 mars 2013, à la Salle Pathé Lincoln
Note de Tootpadu:
Critique de Mulder
Le second film de Philipe Godeau dont il signe comme le premier (Le dernier pour la route en 2009) également le scénario est une nouvelle inspirée d’une histoire vraie. Il s’agit celle de Toni Musulin un convoyeur de fonds qui Le 5 novembre 2009 sans arme et sans aucune forme de violence dérobe 11.6 millions d’euros. Ce film est donc une vision du casse du siècle comme le titrait les journaux de l’époque. Il dresse surtout une vision sans aucune fioriture d’un homme brisé par le système qui décide un jour de prendre sa revanche.
Le cinéma vu par Philipe Godeau est une peinture viscérale collant à la réalité des choses. Son scénario est criant de vérité et par un sens du récit moléculaire il distille chaque instant pour en faire une scène vivante et parfaitement maitrisée. Tel un grand chef cuisinier, Philippe Godeau malgré un sujet qui n’est pas aussi passionnant que certains autres nous livre un film qui prend son temps pour s’installer mais d’une efficacité redoutable. Ce qui prévaut dans le film n’est pas l’organisation de ce hold-up parfait mais l’étude de la psychologie des personnages. Pour cela il s’appuie comme pour son premier film sur l’un des meilleurs acteurs français François Cluzet. Voici un acteur qui ne recherche pas particulièrement à empiler les succès faciles. Il reste avant tout un acteur cérébral comme tous les grands acteurs. De film en film, il s’est construit une belle carrière et le succès du film Intouchables lui doit énormément. Ce refus de toute facilité lui donne une certaine noblesse qu’il apporte à son personnage de Toni Musulin.
Les seconds rôles sont aussi très bien campés par Corine Masiero (Marion, la compagne de Toni) et Bouli Lanners (Arnaud son ami et collègue). Le réalisateur dirige d’une main de maître son casting comme celle de son scénario. Certes son approche pourrait ne pas convenir à ceux qui recherchent du grand spectacle car à l’opposé son film se veut plutôt intimiste. Cela se ressent ainsi par certaines scènes trop criantes de vérité et pas assez cinématographiques pour plaire au plus grand nombre. Ce film mérite d’être apprécié et vu afin de se rendre compte qu’il n’y a pas seulement un cinéma populaire en France, il y a aussi un cinéma d’auteur.
Vu le 05 avril 2013 au Gaumont Disney Village, Salle 05, en VF
Note de Mulder: