Pas sur la bouche

Pas sur la bouche
Titre original:Pas sur la bouche
Réalisateur:Alain Resnais
Sortie:Cinéma
Durée:116 minutes
Date:03 décembre 2003
Note:
Gilberte Valandray vit avec son deuxième mari, un entrepreneur en métallurgie, dans leur appartement luxueux, à Paris en 1925. Autour d'elle gravitent sa soeur cadette, vieille fille, deux prétendants et une jeune demoiselle, amie de la famille. Ce petit monde de coquetterie se trouve ébranlé, lorsque le premier mari de Gilberte, un Américain coincé, débarque pour entrer en affaires avec son deuxième époux.

Critique de Mulder

Critique élaborée à partir de critiques lues sur Allo Ciné et revue par mes soins.

Alain Resnais dépoussière un genre tombé en désuétude et ressucite une opérette de 1925 aux résonances contemporaines. Dans des décors raffinés, la fantaisie règne. il met en scène un théâtre d'ombres qui batifole magistralement avec les artifices, transforme des marionnettes de convention en exquis pantins de distraction. Après "On connaît la chanson", le réalisateur intègre les chants à son récit totalement au premier degré, et l'ensemble est d'une remarquable fluidité. Les décors sont sublimes, la photo impeccable. Le scénario, habile, permet aux interprètes de s'en donner à coeur joie. Les habitués sont parfaits en tous points, et les nouveaux venus sont également magistraux.

En prenant le parti de traiter les plus absurdes conventions avec le plus grand naturel, Resnais obtient une délicieuse folie douce. Tout tient à l'allégresse de l'interprétation et au raffinement inventif de la mise en scène, autour de décors éclatants. Plus le film avance et plus la mise en scène semble prendre de l'assurance, pour s'offrir des moments de virtuosité vertigineuse, où les mouvements de caméra et la composition des plans démultiplient les effets de chorus du texte et le miroitement des lignes mélodiques enchevêtrées.

En conséquent, ce bonheur rare, subtil, élégant, sait aussi se faire critique, visionnaire ou grivois.

Note de Mulder:

Critique de Tootpadu

Dans une saison cinématographique décidément marquée par le retour de messieurs d'un certain âge, avec les derniers films de Jacques Rivette (75 ans) et Manoel De Oliveira (94 ans), il n'est guère surprenant de revoir également un nouveau film d'Alain Resnais, désormais octogénaire. Six ans ont passé depuis le plébiscite de "On connaît la chanson" et dix ans depuis "Smoking / No Smoking". Ce nouveau film continue dans la veine des deux oeuvres précédentes, en ce qu'il garde le cadre d'une comédie conjugale, tout en la berçant dans des airs d'opérette. Car "Pas sur la bouche" est l'adaptation d'une pièce musicale du même titre des années 1920.
Le théâtre et le cinéma sont deux formes d'art et d'expression très distinctes et l'adaptation du premier au deuxième n'arrive que très rarement à se défaire des contraintes de dispositif de la scène. Guidé par des limites d'espace et de temps, ainsi que d'une forme rigide en actes, le théâtre a du mal à se fondre dans le moule plus souple du cinéma qui a considérablement adouci ces règles au fil du temps. Ainsi, à l'exception de quelques adaptations réuissies, comme "12 hommes en couleur" et "Six degrés de séparation", le théâtre au cinéma est la plupart du temps justement cela, un remplacement ennuyeux des planches de la scène par la toile de l'écran.
Depuis plusieurs années déjà, nous assistons à une sorte de renouveau en catimini de la comédie musicale. Alain Resnais lui-même avait apporté sa pierre à l'édifice avec ses chansons populaires qui rhytmaient "On connaît la chanson". Bien que l'on soit loin d'une renaissance du genre, avec seulement un film par ci, un film par là, la continuité du mouvement est des plus réjouissantes pour les amateurs des films chantés. Par contre, les idées originales se font de plus en plus rares et, à l'image d'un "Huit femmes", ces comédies musicales fonctionnent plutôt malgré l'inclusion artificielle des chansons que grâce à elles.
En guise de rapprochement des trois paragraphes précédents, il convient de dire que "Pas sur la bouche" est une comédie de boulevard ou plutôt une opérette moderne éminemment légère qui épouse parfaitement sa forme théâtrale au point de séparer les actes par des inter-titres. Ajoutant comme seules idées de mise en scène la disparition des personnages qui quittent la scène en surimpression, et leur interpellation fréquente du spectateur, Resnais laisse couler cette petite comédie aux rebondissements prévisibles. Les comédiens s'adonnent alors, soit au cabotinage (Azéma, Nanty, Prevost), soit à une élégance de loin supérieure (Arditi, Wilson), soit à l'effacement des jeunes de second rôle (Tautou, Lespert).
Si vous voulez voir une comédie de boulevard, allez plutôt au théâtre, l'expérience sera bien plus vivante !

Vu le 06 novembre 2003, à l'UGC Ciné Cité Bercy, Salle 21

Note de Tootpadu: