Kiss of death

Kiss of death
Titre original:Kiss of death
Réalisateur:Barbet Schroeder
Sortie:Cinéma
Durée:101 minutes
Date:24 mai 1995
Note:
L’ancien voyou Jimmy Kilmartin se tient à carreau depuis que sa femme Bev a donné naissance à une petite fille. Le bonheur familial est mis en péril, quand Ronnie, le cousin de Jimmy, fait appel à lui en pleine nuit, afin de le dépanner lors du transport d’une cargaison de voitures volées pour le compte du chef de gang Little Junior Brown. Jimmy se fait prendre par la police et devra purger une peine de prison, parce qu’il refuse de collaborer avec le procureur. Pendant ce temps, la pègre locale prend soin de sa famille, en guise de remerciement de ne pas l’avoir trahie. Quand Bev meurt dans un accident de voiture par la faute de Ronnie, Jimmy jure de la venger et devient l’indicateur principal des forces de l’ordre, qui cherchent à inculper Little Junior Brown.

Critique de Tootpadu

Quelle agréable surprise de constater que, parmi toute la tergiversation morale qui caractérise le pan américain de l’œuvre de Barbet Schroeder, le réalisateur était quand même capable de tourner un film de genre sans fioritures inutiles. Kiss of death fait partie de ce groupe plutôt exclusif de films, qui vont droit au but et qui basent leur efficacité sur un respect minutieux des règles du genre auquel ils appartiennent. Chaque nouveau revirement, au fil d’une intrigue qui en connaît un nombre conséquent, sert à rendre encore plus vigoureux un récit pratiquement sans temps mort. Il n’y est jamais réellement question de la rédemption du protagoniste, un truand au bout du rouleau qui jongle à peu près adroitement avec les intérêts de sa famille, de son gang, et de l’appareil judiciaire en quête d’une forme très subjective de justice. Le parcours chahuté d’une bête traquée, qui n’a plus grand-chose à perdre au fur et à mesure que l’histoire progresse, sert davantage à démontrer que la pourriture morale est bien présente des deux côtés de la loi et que l’allégeance à l’un ou l’autre ne répond en fin de compte qu’au besoin pressant de survivre dans ce milieu où tout s’achète et tout se négocie.
Dans la plus pure tradition du film noir, qui avait déjà été appliquée à cette histoire un demi-siècle plus tôt dans Le Carrefour de la mort de Henry Hathaway, la création d’un ton sombre prévaut sur de quelconques expérimentations formelles. Le scénario déborde ainsi de personnages louches et menaçants, dont personne n’est peut-être aussi mémorable que le Tommy Udo que Richard Widmark avait campé dans l’original, mais qui donnent amplement l’occasion à une distribution prestigieuse de briller par l’intensité du jeu. Peu de temps avant qu’ils ne deviennent d’atroces caricatures d’eux-mêmes, Nicolas Cage et Samuel L. Jackson font une dernière fois preuve d’une véritable rage ici, tandis que la tronche de David Caruso se prête parfaitement à ces histoires d’enfants brûlés qui craignent certes le feu, mais qui y retournent malgré tout par une étrange forme de responsabilité viscérale. La carrière cinématographique de cet acteur était bien entendu finie avant d’avoir réellement commencé. Mais la nature impassible de son interprétation, tel le pôle immuable au cœur d’une agitation effrénée, aurait dû lui réserver un sort plus enviable qu’un recyclage sans faste à la télévision.
En dehors de sa volonté de démasquer l’ambiguïté morale de ses personnages, nous n’avons pas encore décelé de thème majeur dans la filmographie de Barbet Schroeder. Au lieu d’être un auteur au style facilement reconnaissable, sa démarche se démarque plutôt par une soumission, sous certaines conditions, aux exigences des studios. Cet état d’esprit d’un artisan à peu près maniable ne l’empêche pourtant pas d’exceller parfois dans des films de genre, qui ne paient pas de mine d’abord, mais qui se révèlent finalement comme ce que le cinéma de Hollywood sait faire le mieux : des divertissements intenses, en mesure de nous faire adhérer à des formules qui devraient déjà être passées de mode depuis longtemps.

Vu le 13 mars 2012, au Magic Cinéma, Salle 2, Bobigny, en VO

Note de Tootpadu: