Chronicle

Chronicle
Titre original:Chronicle
Réalisateur:Josh Trank
Sortie:Cinéma
Durée:85 minutes
Date:22 février 2012
Note:
Solitaire à l’école, maltraité par son père invalide et impuissant face à la maladie de sa mère, Andrew Detmer s’achète une caméra afin d’enregistrer la misère qu’est sa vie au quotidien. Seul son cousin Matt Garetty s’occupe parfois de lui. Il arrive même à le convaincre de l’accompagner à une fête dans une grange abandonnée. En marge de la soirée, Andrew est invité par Matt et Steve Montgomery, un des élèves les plus populaires du lycée, de filmer un drôle de cratère au bout duquel les trois adolescents découvrent une sorte de vaisseau spatial. Ce dernier leur confère des dons de téléportation exceptionnels, qu’ils exploitent d’abord pour leur plaisir. Toutefois, leur nouvelle complicité ne manquera pas d’être mise à rude épreuve par ce pouvoir illimité.

Critique de Tootpadu

Plus on a de pouvoir, plus on a de responsabilités. Ce condensé aussi vaguement paraphrasé que philosophique issu de l’univers de Spider-man est conjugué d’une façon plutôt astucieuse dans ce film de super-héros très honnête. La sempiternelle découverte d’une faculté exceptionnelle y subit un traitement convenable sous l’angle de trois formes complémentaires de vivre son adolescence. La courbe du développement individuel d’Andrew, un anti-héros aux fortes pulsions misanthropes, y sert de moteur principal à l’histoire. Celle-ci ne tournerait pourtant pas aussi rondement, si elle ne pouvait s’appuyer sur des personnages aussi atypiques dans un tel contexte que Matt et Steve.
Il est en effet sympa d’abolir les lois de la gravité et de faire voler tous les objets imaginables, y compris son propre corps. La qualité principale de Chronicle ne réside pourtant pas dans cette prise de liberté physique, ni – surtout pas – dans l’impératif formel assez contraignant, qui n’autorise que les prises des caméras dans le champ pour documenter cet abus de pouvoir d’abord enjoué et ensuite lourd de conséquences. La dynamique des rapports entre les trois élus immatures s’avère en effet bien plus intéressante que les effets spéciaux de plus en plus envahissants, qui finissent par être la principale raison d’être du film pendant les quinze dernières minutes. Auparavant, le scénario signé Max Landis explore avec la connivence de la réalisation solide de Josh Trank les pièges sociaux que l’acquisition subite de la force mentale tend au trio de personnages principaux. Tandis que le propos du film est forcément marqué par le point de vue d’Andrew, le propriétaire de la caméra à travers laquelle nous voyons presque tout, son interaction avec ses nouveaux amis tellement plus cools – et accessoirement plus mignons – que lui interroge le mythe de l’acceptation bi-latérale des super-héros.
Contrairement aux jeunes parias qui se rencontrent pour mieux unir leurs forces dans Kick-ass de Matthew Vaughn, le protagoniste de ce film-ci ne s’affranchit jamais assez des démons de sa vie antérieure pour se laisser griser par son inclusion inespérée dans cette fratrie secrète. Le fossé social entre lui, le puceau maladroit et peureux, et le meneur du groupe, un beau parleur décontracté et tombeur de filles, est clairement trop profond pour que son cousin étonnamment fade puisse les rapprocher. D’où sans doute cette conclusion plutôt bâclée qui, pour une fois, écarte la possibilité d’une suite. Elle ne sait pas pour autant aboutir à un message à la hauteur du ton pessimiste, qui va nécessairement de pair avec un adolescent tellement traumatisé par tous les abus qu’il a dû subir, que ses pensées négatives de vengeance prévalent sur les bonnes actions vers lesquelles sa responsabilité démesurée aurait pu le diriger.

Vu le 28 janvier 2012, à l’Espace Lac, Gérardmer, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

L'art de mettre en forme un film a connu son renouveau via un petit film d'horreur intitulé Le Projet Blair Witch en 1999, la caméra principale y était tenue par un des personnages. Cette manière de filmer, initialement utilisée pour pallier à une insuffisance budgétaire, fut utilisée dans d'autres films d'horreur nettement plus réussis, comme REC et dans un film de monstre géant Cloverfield. Désormais, elle s'applique aussi aux films de super-héros tendance Superman et X-men, avec un arrière-goût de Akira pour la destruction de masse finale.

L'histoire contée est des plus simpliste : un jeune étudiant martyrisé par son père et des étudiants de son collège trouve avec deux de ses camarades dans une grotte un artéfact qui va leur donner des pouvoirs surhumains (télékinésie, possibilité de voler, presque indestructibilité). Meurtri, il finira par passer dans le côté obscur. Nous sommes donc bien dans une histoire typique de super-héros, où un artéfact remplace une araignée radioactive ou des rayons gamma, voire un sérum particulier.

Josh Trank maîtrise parfaitement son sujet et réussit, avec l'aide du jeune scénariste Max Landis (fils de John Landis), à faire de son film le renouveau du cinéma de super-héros. Certes, certains effets spéciaux ne sont pas très réussis, mais d'autres sont tellement puissants que l'on se doute que le budget du film doit être considérable. La scène de vol est des plus réussies et nous donne l'impression de partager avec ces jeunes mutants leur pouvoir. De la même manière, la scène d'affrontement finale ancrée dans un réalisme concret est des plus convaincantes et nous rappelle celle de Superman 2, dans laquelle Kal El affronte Zod et ses comparses. Le réalisateur réussit donc à mélanger cette manière particulière de filmer à la thématique des super-héros et fait de son œuvre une réussite totale. Il nous permet de découvrir devant nos yeux ce que devrait être une bonne adaptation de Superman. La scène de la chute de l'immeuble et celle de la fin se déroulant dans un endroit enneigé sont des clins d'œil volontaires et appuyés au chef-d'œuvre de Richard Donner.

Les excellentes surprises ont été rares lors de cette 19ème session du festival de Gérardmer, hormis Eva et ce film-ci. Les deux sont l'œuvre de jeunes réalisateurs à suivre de près et qui devraient faire reparler d'eux dans les années à venir. Josh Trank devrait en effet être responsable du reboot des 4 fantastiques, Chronicle n’étant que son galop d'essai d'approche de ce genre très en vogue actuellement.

Film à découvrir dans nos salles de cinéma, car ses atouts nombreux font de lui un futur classique du genre.

Vu le 28 janvier 2012, à l’Espace Lac, Gérardmer, en VO

Note de Mulder: