Eva

Eva
Titre original:Eva
Réalisateur:Kike Maillo
Sortie:Cinéma
Durée:95 minutes
Date:21 mars 2012
Note:
En 2041, le célèbre ingénieur en cybernétique Alex Garel retourne pour la première fois depuis longtemps dans la ville de son enfance. La faculté de robotique où il avait commencé sa carrière de créateur de génie lui a confié la conception de l’aspect émotif d’un nouvel androïde, un enfant qu’Alex voudrait plus amusant et autonome que ses prédécesseurs ennuyeux. Tous les enfants que l’université lui propose pour servir de modèle indiffèrent Alex, jusqu’à ce qu’il rencontre par hasard Eva, une gamine à l’esprit vif et impertinent, qui ferait parfaitement l’affaire. Or, il s’avère qu’Eva est la fille de David, le frère d’Alex, et de Lana, dont il était amoureux avant de partir.

Critique de Tootpadu

Un véritable « cliffhanger » suivi d’un chaperon rouge qui court à travers la forêt : le pré-générique de ce film espagnol ne lésine pas sur les fausses pistes et les symboles trompeurs, avant de se conformer très solidement à un mélange pas sans attrait de Splice de Vincenzo Natali et de A.I. Intelligence artificielle de Steven Spielberg. Le premier film du réalisateur Kike Maillo s’interroge en effet sur les limites de la science, quand celle-ci cherche à imiter l’homme au lieu de lui rendre juste la vie plus facile. Le futur proche que le film dessine n’est pas si différent de notre présent, à quelques gadgets et voitures électroniques près. La croyance en la supériorité de leur recherche de la part de scientifiques prodigieux s’y heurte toujours aux règles basiques d’une déontologie sensible à ce point de non-retour moral, qui a déjà causé au cinéma la perte de tant d’inventeurs habités par une idée folle.
Eva reste pourtant à l’écart de tout comportement excessif pour privilégier l’aspect humain de son intrigue. Tandis que le volet relationnel avec ses coups de jalousie et ses romances réchauffées manque un peu d’intérêt – en dépit des retrouvailles avec le craquant Alberto Ammann, déjà remarqué dans Cellule 211 de Daniel Monzon –, tout ce qui touche aux motivations pour créer un enfant plus vrai que nature constitue un reflet révélateur des craintes narcissiques de notre époque, marquée par l’hyperactivité au niveau individuel et collectif. Quand un robot de base peut déjà assurer les tâches ménagères les plus sophistiquées et même donner un peu de réconfort à condition que son niveau émotif soit au niveau adapté à la situation, l’enjeu principal de l’évolution se joue sur l’horreur de l’ennui, qui gagne tôt ou tard un monde si gentiment aseptisé. Le protagoniste du film aimerait bien être ce grain de sable qui apporte un peu de vivacité, de curiosité et d’irrévérence au mécanisme des robots, avant de devoir se rendre compte que sa quête illusoire ne pourra jamais aboutir.
Le récit s’écroule certes comme un château de cartes lors du revirement final. Sa douceur langoureuse ne représente pas non plus une alternative viable à la surenchère de la violence qui avait défiguré le dénouement du film cité plus haut, découvert au festival de Gérardmer deux ans plus tôt. Mais jusqu’à ce moment qui fait définitivement basculer le ton vers le mélodrame, il y avait ce petit quelque chose d’insécurité et de perversion morale qui rendait le film à la fois fascinant du point de vue de son exécution élégante et discrètement prodigieuse du côté des effets spéciaux, et inquiétant quant aux horreurs d’une science effrénée auxquelles il allait nous confronter sans crier gare.

Vu le 23 janvier 2012, à la Salle Pathé François 1er, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Qu'est-ce que tu vois quand tu fermes les yeux ? Cette question nous hantera longtemps après la vision de ce chef-d'œuvre de science-fiction venu d’Espagne.

Le cinéma fantastique est actuellement en crise. Non seulement les bons scénarios se font rares, les idées fondatrices encore plus. Les majors préfèrent miser sur des séries à succès (Scream, Alien, ...) plutôt qu’investir dans des projets nouveaux. A ce titre, Eva est une excellente surprise, car dès sa première vision, ce film s'impose comme une réussite exemplaire par sa vision futuriste de notre société.

Dès les premières minutes, le film déclenche une fascination indéniable par la beauté de son générique, dont les images d'une mécanique parfaite défilent devant nos yeux et dont nous connaîtrons le sens que plus tard dans l'histoire. L'histoire contée se rapproche de celle de Frankenstein, soit celle d'un brillant scientifique (Alex) revenant dans sa ville pour reprendre ses recherches sur un robot totalement indépendant. Pour cela, il s'inspirera de la petite fille de la femme (Lana) dont il partageait la vie et qui a refait la sienne avec le frère de celui-ci (David). Mais qui est réellement Eva ? Sa présence est la voûte de ce film d'une grande beauté et dont la perfection des effets spéciaux n'est présente que pour renforcer la force de ce conte.

Ce qui surprend au premier abord est de voir que la major Paramount produit ce film espagnol, tourné en espagnol et non en anglais, car la beauté des effets spéciaux laisse entendre que le budget du film est conséquent. Pari osé donc de la part de celle-ci de miser un tel budget sur un jeune réalisateur espagnol Kike Maillo. Pari gagné, car son premier film est un hymne fondateur à la création.

Le concept prétendant que les robots font partie intégrante de nos vies n'est certes pas un concept nouveau, tant au niveau littéraire (Philip K Dick, Asimov, Richard Matheson) que cinématographique (I Robot de Alex Proyas, Blade runner de Ridley Scott, Terminator de James Cameron). Ce n'est donc pas une surprise de voir que ce film nous dévoile une société où les robots sont omniprésents dans nos rues, nos foyers et nos différents édifices. Chacun d'entre eux est programmé pour des fonctions bien précises. Certains d'entre eux ont même une apparence humaine, comme le majordome de Alex. Par ce dernier, on pense immédiatement aux répliquants et à la relation entre les robots et les humains. La création et l'évolution humaine sont donc la base de ce film et elles sont traitées avec une telle conviction que notre adhésion est totale dès les premières minutes. La relation entre les personnes de cette famille recomposée, une petite fille trop parfaite, une mère meurtrie et un scientifique de renom, est bouleversante et restera longtemps dans nos mémoires.

Plus qu’un film, un hymne à la vie !

Vu le 27 janvier 2012, à l’Espace Lac, Gérardmer, en VO

Note de Mulder: