Miss Daisy et son chauffeur
Titre original: | Miss Daisy et son chauffeur |
Réalisateur: | Bruce Beresford |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 98 minutes |
Date: | 13 juin 1990 |
Note: | |
A 72 ans, Miss Daisy Werthan, une riche veuve juive d’Atlanta, se sent encore assez indépendante pour conduire elle-même sa voiture. Mais après un accident mineur, son fils Boolie lui interdit formellement de reprendre le volant. Pour lui faciliter ses déplacements quotidiens, il engage un chauffeur noir, Hoke Colburn, qui est censé emmener sa mère à la synagogue, aux parties de mah-jong entre amies, ou pour faire les courses au supermarché. Miss Daisy refuse d’abord de faire appel à Hoke. Elle va même jusqu’à lui faire comprendre qu’il est indésirable chez elle. Petit à petit, la vieille dame et son chauffeur apprennent pourtant à se connaître et à s’apprécier.
Critique de Tootpadu
Même les sentiments les plus nostalgiques à l’égard de ce téléfilm déguisé en lauréat de l’Oscar du Meilleur Film ne nous permettent plus de fermer les yeux sur la mise en scène d’une médiocrité nauséabonde de Bruce Beresford. Quelque part, au fin fond de la pièce d’Alfred Uhry, il y avait sans doute matière à concocter une histoire attachante sur une vieille dame bornée et son chauffeur patient. Et l’association d’acteurs de renom comme Jessica Tandy et Morgan Freeman aurait dû garantir un minimum d’intensité dramatique. Hélas, la narration pesante et décousue, guère aidée par un montage pour le moins calamiteux, fait plus pour accentuer les nombreuses lacunes de Miss Daisy et son chauffeur que pour en renforcer les quelques qualités humaines.
A leur âge, Miss Daisy et Hoke ont déjà vu passer les tempêtes majeures de l’existence. Leur vie ne se résume désormais qu’à une routine marquée par une tranquillité à toute épreuve. Le scénario joue assez adroitement sur la bousculade de ces petites habitudes, ainsi que sur leur inertie au fil du temps. Les deux personnages principaux sont chacun à son tour emblématiques d’un modèle social, auquel ils cherchent à se conformer, quitte à passer à côté d’une occasion d’ouverture vers l’autre. Initialement, Miss Daisy se défend bec et ongles contre la présence d’un autre domestique dans sa demeure, sans doute parce que, contrairement à sa bonne Idella, elle sera obligée de le fréquenter de près, voire de lui dévoiler malgré elle des bribes de son intimité qu’il ne convient pas de parader en public. De son côté, Hoke s’acquitte sans broncher du rôle modeste que la société raciste du sud des Etats-Unis lui a désigné. Ses rares sursauts de révolte n’ont rien de revendicatif. Ils ne visent pas à faire de lui un homme égal en droits par rapport à Miss Daisy, mais simplement à subvenir à ses besoins les plus rudimentaires comme aller aux toilettes au bout d’une longue journée sur la route. En somme, ce film n’ose à aucun moment mettre sérieusement en question le statu quo d’une injustice sociale, qui était encore considérée comme normale au début de l’action à la fin des années 1940, mais qui avait heureusement fait son temps à sa fin vingt-cinq ans plus tard, et qui était carrément dépassée en 1989, la même année où sortait sur les écrans américains un film plus revendicatif comme Do the right thing de Spike Lee.
Avec beaucoup de bonne volonté, on pourrait considérer que Bruce Beresford réussit au moins la structure temporelle de son film, certes pas d’une façon fulgurante, mais assez efficacement pour faire ressentir le passage du temps. A bien y regarder, son film n’est composé en effet que de cela : de petites touches plus ou moins subtilement datées, qui permettent avec le soutien d’un maquillage inégal de nous repérer dans l’évolution frileuse de la relation entre Miss Daisy et son chauffeur. La plupart des séquences ne servent qu’à ça et donnent par conséquent un aperçu peu flatteur de la vacuité pénible du récit. Seuls la laideur et le caractère arbitraire du cadrage dépassent encore en ineptie cinématographique cette faiblesse narrative. Nous avions gardé un souvenir un peu plus favorable de ce film, qui avait marqué jadis les débuts de notre engouement pour les Oscars. Malheureusement, il faudra désormais se rendre à l’évidence que Bruce Beresford est un ignoble tâcheron, incapable de tirer quelque chose de potable, voire d’intéressant, d’un sujet, aussi prometteur et gentillet soit-il.
Revu le 31 août 2011, au Grand Action, Salle Henri Langlois, en VO
Note de Tootpadu: