Precious

Precious
Titre original:Precious
Réalisateur:Lee Daniels
Sortie:Cinéma
Durée:110 minutes
Date:03 mars 2010
Note:
En 1987 à Harlem, Clareece Precious Jones, une adolescente afro-américaine obèse de seize ans, attend son deuxième enfant. Comme pour le premier, c'est son propre père qui en est le géniteur. Sa mère Mary ne se gêne pas non plus pour abuser physiquement d'elle et des allocations familiales qu'elle reçoit pour Precious et sa fille trisomique Mongo. Tout change, lorsque Precious est admise à l'école alternative "Comprendre / Apprendre", où elle suit les cours d'alphabétisation de Mlle Rain.

Critique de Tootpadu

Pas plus tard que dans la critique du film précédent que nous avons découvert à Deauville, en l'occurence Youth in revolt de Miguel Arteta, nous nous plaignions de l'absence de partis pris formels dans la plupart des films sélectionnés, qui rompraient le moule du naturalisme sage et à force ennuyeux. Peut-être aurions-nous mieux fait de nous taire ? Car le retour de bâton est impitoyable, à travers ce film qui déploie un vocabulaire narratif des plus affectés. S'il fallait choisir entre un film au style dépouillé et aride, et un autre à la surcharge esthétique clinquante, nous opterions sans la moindre hésitation pour le premier, tellement les effets directifs et lourds nous agacent.
Ici, ils prennent la forme d'un monde de rêve, dans lequel la pauvre Precious s'évade, dès que la pression et la violence morale de son existence misérable deviennent insoutenables. Son idéal, fait de paillettes et de tout ce que notre société de consommation superficielle promet aux filles qui ne lui ressemblent pas, conforte encore un peu plus notre impression que Precious est autant prisonnière de sa mère abusive que d'une conception étroite, voire bornée, du monde qui l'entoure. Certes, la captivité physique et morale dans laquelle elle a évolué depuis sa naissance ne lui ont point fourni les outils nécessaires à la constitution d'une personnalité autonome. Mais de là à l'affubler d'une échappatoire imaginaire aussi ringarde que la montagne de cruautés qui s'abat sur elle, avec le même fracas tonitruant d'absence de subtilité formelle, c'est un peu la prendre pour une idiote et considérer le spectateur guère comme plus futé.
Le montage suggestif, qui associe les plats cuisinés au souvenir douloureux du viol, et les échappées oniriques représentent en même temps une forme d'expression filmique tout à fait adéquate pour l'histoire hautement mélodramatique de Precious. Aucun fléau social n'est trop abject pour y confronter un personnage principal, qui met beaucoup de temps avant de réagir. Difficile à dire, si c'est cette passivité de Precious, qui équivaut à une acceptation résignée de son rôle de victime, qui brusque le plus nos habitudes d'identification, ou la mise en scène, qui adopte tous les tics pénibles des mauvais films de Spike Lee.
En dépit de la forme inutilement torturée du récit, ce film arrive néanmoins à nous affecter passablement, grâce à la force des interprétations. Alors que Gabourey Sidibe nous laisse au moins espérer que le courage de son personnage pourra un jour se détourner des simples besoins de la résistance au malheur, pour viser des besoins un peu plus ambitieux, Mo'Nique dans le rôle de la mère donne un visage presque humain à la bestialité personnifiée. Sa Mary compte parmi les méchants les plus détestables que nous avons vus au cinéma. Et même si son interprétation contient son lot de cabotinage et de regards théâtraux, Mo'Nique lui confère également une férocité crue et fourbe, qui fait froid dans le dos.

Vu le 11 septembre 2009, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Lee Daniels, connu aussi bien comme producteur (A l'ombre de la haine The Woodsman) que comme réalisateur indépendant (Iced) réussit avec ce film maintes fois primé à s'imposer comme un équivalent à Spike Lee, pour dépeindre la population afro-américaine, la dimension controversée en moins. En effet, s'inspirant d'une histoire vraie, Lee Daniels nous conte l'histoire tragique de Precious, qui apprend à lire et à écrire dans une école alternative et ainsi à raconter enfin ses déboires profonds (violée par son père à deux reprises et ayant deux enfants).

Precious se réfugie dans ses songes pour se sentir acceptée par ce monde qui l'opprime. Ce film nous montre donc une population américaine vivant dans de très mauvaises conditions, sans éducation et incapable de discerner le bien du mal. La grande force de ce film, loin d'être filmé avec panache, est de se reposer sur un scénario élaboré avec soin, qui permet à Paula Patton (Déjà vu) de montrer l'immensité de son talent. Sa présence irradie le film et montre un contraste important entre elle et Precious, ce qui fait toute la force de ce beau film.

La conférence de presse que Lee Daniels donna après la présentation de son film nous montre à quel point ce réalisateur s'est impliqué dans son film, émotionnellement et professionnellement. Il a même réussi l'exploit d'avoir dans son film Mariah Carey, difficilement reconnaissable puisque sans maquillage, et Lenny Kravitz.

Malgré sa forme disproportionnée, Precious témoigne que la beauté des gens n'est pas forcément extérieure, mais qu’elle peut être intérieure. Nous suivons donc ce personnage et subissons avec lui les abus de sa mère et les remarques blessantes des gens dans la rue.

Ce film, qui a obtenu à juste titre le prix du jury, devrait être vu par le plus grand nombre. Un film générationnel, sans aucun doute.

Vu le 11 septembre 2009, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Mulder: