William Kunstler Disturbing the universe

William Kunstler Disturbing the universe
Titre original:William Kunstler Disturbing the universe
Réalisateur:Emily Kunstler, Sarah Kunstler
Sortie:Cinéma
Durée:86 minutes
Date:00 2009
Note:
La carrière de l'avocat américain William Kunstler a connu bien des bouleversements. D'abord un avocat d'affaires privilégié au Massachusetts, il a connu sa première révélation, lorsqu'il s'est engagé dans le mouvement pour les droits civiques dans le Sud des Etats-Unis au milieu des années 1960. Dès lors, Kunstler a joué un rôle essentiel dans la plupart des affaires majeures de l'époque, des sept manifestants de Chicago, en passant par la révolte dans la prison d'Attica, jusqu'à celle des Indiens de la réserve de Wounded Knee. Cependant, la fin de sa carrière était entachée par une reconversion dans le droit pénal, qui l'a vu endosser la défense de violeurs, mafieux, terroristes et assassins de policiers présumés.

Critique de Tootpadu

Le festival de Deauville est resté sensiblement sous l'emprise de l'ère des hippies aujourd'hui. Après la projection de When you're strange de Tom DiCillo sur le groupe emblématique des Doors ce matin, et avant celle de Hôtel Woodstock de Ang Lee sur l'événement musical charnier ce soir, voici un autre documentaire, qui ne traite pas spécifiquement de la fin des années 1960, mais dont le bagage idéologique est étroitement lié à la philosophie utopique d'un monde paisiblement meilleur, en vogue parmi les esprits progressistes à ce moment-là de l'Histoire. La vie de William Kunstler a traversé certes des changements de direction majeurs. Mais à travers le portrait touchant de ses deux filles, qui atteigne le juste équilibre entre une biographie aux facettes multiples et un hommage de l'ordre familial, il devient clair que c'est exactement à l'heure de sa consécration initiale comme un défenseur des droits de l'homme exceptionnel, que William Kunstler était arrivé au comble de son épanouissement professionnel et humain.
Avant et après, son parcours est indéniablement plus problématique. Son éveil après une jeunesse relativement dorlotée, malgré sa participation active à la Seconde Guerre mondiale, et son association, après quelques années de gloire, aux procès décriés à cause de la bestialité apparente des accusés dont il prenait la défense sans hésiter, rendent sa vie aussi peu exemplaire que compréhensible. Les deux réalisatrices tentent bien évidemment de trouver un fil rouge dans les actes de leur père, autrefois admiré et à présent presque considéré comme un traître corruptible de la cause juste et de la lutte anti-raciste. L'explication avec laquelle elles concluent William Kunstler Disturbing the universe, que la priorité de l'avocat célèbre n'était pas l'innocence de son client mais le degré de la haine et des préjugés que le public et l'appareil judiciaire manifestaient à son égard, ne nous a pas entièrement convaincus. Pourquoi enlever à cet individu remarquable le droit à l'erreur et la liberté de faire et exprimer ce qui bon lui semble, alors que son désenchantement supposé de l'engagement civique trouve avant tout son origine dans des choix de vie très ordinaires, comme la volonté de fournir à ses deux jeunes filles un environnement stable et une tendance indissociable du vieillissement, qui voit des personnes privilégier dès un certain âge des options plus conservatrices et préjudiciables à leur statut dans la société ? C'est bien plus qu'un cliché : les hommes réagissent à la crise de la cinquantaine parfois d'une façon illogique, qui dément tout ce qu'ils ont construit et pour quoi ils se sont battus jusqu'à ce point dans leur vie. Il ne paraît point inconcevable que William Kunstler tombe exactement dans ce cas de figure profondément humain.
Enfin, la facture très classique de ce documentaire a au moins l'avantage de transmettre un maximum d'informations sur l'histoire américaine récente, parfois méconnue en France, sans égarement énervant. La vie de William Kunstler, aussi contradictoire soit-elle, fournit ainsi une trame fascinante à travers une période de bouleversements finalement guère durables de la société américaine. Heureusement que le lien familial des réalisatrices avec leur sujet n'obnubile point le point de vue nécessaire à un traitement lucide de cette époque, chargée en polémiques radicales de la part des deux extrémités du spectre politique.

Vu le 6 septembre 2009, au Casino, Deauville, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

A mes yeux, le cinéma et le documentaire sont deux catégories distinctes. Un film de cinéma nous conte une histoire tandis qu'un documentaire nous conte des faits historiques. Ce film ne déroge pas à cette règle. Il nous présente ainsi un grand avocat, qui était apprécié du public, car il défendait des causes justes et difficiles à défendre, qui est devenu un avocat défendant des criminels.

La grande force de ce documentaire vient du fait que les productrices, scénaristes, et réalisatrices sont les propres filles de ce grand avocat. Loin de faire un portrait élogieux de leur père, elles nous montrent les faits et les grandes causes défendues par leur père (les hippies contre la guerre du Vietnam, les amérindiens, ...) et les causes non défendables (drapeau américain brûlé, viol, ...). Pourtant ces mauvaises causes ne sont pas toutes ce qu'elles paraissent. Ce documentaire explore donc la zone d'ombre de cet avocat.

Les applaudissements entendus à la fin de ce film montrent, que le public y a trouvé son compte. Certes, le peu de monde dans la salle montre bien que le public plébiscite la vision des films en avant-première ou en compétition plutôt que les documentaires de l'oncle Sam. Reste que pour mieux connaître et appréhender la culture américaine, ce film donne une bonne approche.

Vu le 6 septembre 2009, au Casino, Deauville, en VO

Note de Mulder: