Sin nombre

Sin nombre
Titre original:Sin nombre
Réalisateur:Cary Joji Fukunaga
Sortie:Cinéma
Durée:96 minutes
Date:21 octobre 2009
Note:
Après avoir été expulsé des Etats-Unis où il avait refait sa vie, le père de Sayra emmène celle-ci et son oncle pour retenter l'odyssée de l'immigration clandestine depuis le Honduras. Sur leur chemin, ils traversent au sud du Mexique le territoire de la "Mara", un gang de trafiquants et de voleurs. Au sein du groupe des délinquants, Casper cherche à cacher sa relation avec Martha Marlene, une jeune fille d'un autre milieu social. Mais Lil' Mago, le chef de la bande, découvre son secret et emmène Casper, ainsi que le jeune Smiley qui doit encore faire ses preuves, sur une expédition punitive, qui consiste à dépouiller les immigrants qui voyagent sur le toit des trains de marchandises.

Critique de Tootpadu

Les flux de migration économique deviennent de plus en plus intenses. L'effet de la crise ne paraît guère avoir calmé les ardeurs de ceux et celles, qui tentent à tout prix d'entrer sur le territoire des pays relativement riches. Nombreux sont ceux qui laissent leur vie ou leur santé dans le périple. Et pour les rares chanceux, qui déjouent les pièges des passeurs et des fonctionnaires de l'immigration, commence alors une existence autrement plus précaire, le plus souvent en dehors de la légalité et en dessous d'un seuil de revenu qui justifierait un tel investissement. L'attrait de l'actualité oblige, le cinéma prend de plus en plus en charge ce fait social préoccupant, comme en témoigne la petite dizaine de films déjà sortie cette année qui traitent du sujet.
Le regard que le Septième art porte sur la misère des réfugiés à l'échelle individuelle est pratiquement toujours empreint de compassion, comme pour mieux dénoncer ce fléau tout en se défaussant de la culpabilité collective qui pèse sur nous tous, qui avons eu la chance d'être nés du côté privilégié du globe. L'approche de ce premier film, récompensé à Sundance et qui, espérons-le, ne repartira pas bredouille du festival de Deauville, s'enrichit d'une histoire fascinante d'appartenance tribale, en plus des incertitudes de circonstance des immigrés itinérants. Le jeune réalisateur Cary Joji Fukunaga réussit ainsi l'exploit rare, voire extraordinaire, d'insuffler de la fraîcheur dans deux genres éprouvés, et même en voie d'être fatigués, tout en tirant une dynamique narrative prenante de la symbiose de ces deux versants.
Le mouvement des personnages s'opère en fait dans des directions opposées, selon leur appartenance au groupe des immigrés ou celui des délinquants. Tandis que Sayra et sa famille fuient contre leur gré, mais néanmoins déterminés, leur foyer et leur patrie, à travers un périple périlleux que personne ne méprendra pour une aventure innocente, Casper, Smiley et les autres campent sur un territoire clairement délimité et se définissent par le biais des rites propres à la "Mara". L'abandon des certitudes et du confort très modeste au Honduras des uns rentre alors en conflit, en termes du récit, avec l'acquisition de signes distinctifs, à savoir les tatouages et les armes, des autres, destinée à renforcer le lien sauvagement familial, qui encastre chaque membre du gang dans un milieu réservé aux initiés. Les rites de passage sont de mise dans chacun des deux volets scénaristiques. Cependant, la nature de la violence qui peut éclater sans ménagement à chaque instant diffère profondément : la vie d'un immigré ne vaut point plus chère que celle d'un trafiquant, mais la mort frappe d'une façon cruellement anodine chez les voyageurs en train, tandis qu'elle obéit à une rituelle savamment orchestrée au sein du gang.
Au fond, Sin nombre explore deux formes de bestialité symptomatiques de notre temps. Rien n'est jamais sûr dans les deux cas de figure et la tension qui monte entre la course à l'immigration et celle contre la mort certaine du fugitif distille une intensité narrative comme on n'en trouve hélas que rarement ! Le réalisateur Cary Joji Fukunaga maîtrise en effet parfaitement son récit. La plus grande qualité de sa mise en scène est de ne jamais perdre de vue l'enjeu émotionnel de l'histoire, carrément traumatisant à la fin, tout en exploitant à bras le corps les possibilités du cinéma, du côté visuel (l'arrivée imposante du train, par exemple) et auditif (une bande son imposante et étonnante pour un film au budget aussi serré) !
Avant même que le festival de Deauville n'ait commencé, voici un de nos coups de coeur assurés !

Vu le 24 août 2009, à la Salle Pathé Lamennais, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Au vu de la qualité exceptionnelle de ce film, le jury du festival de Deauville cuvée 2009 devrait lui remettre le prix du jury, voire le grand prix. Ce film brutal, lyrique, et profondément humain permet à Cary Joji Fukunaga de s'imposer comme un réalisateur brillant, à suivre de près !

Son film nous montre sans aucune concession les gangs au Mexique et nous permet de nous attacher aux deux personnages principaux, Sayra et Casper. Ces deux jeunes personnes ont connu les pires souffrances et la seule façon de pouvoir s'en sortir serait d'immigrer clandestinement aux Etats-Unis. Nous suivons donc leur fuite avec un réel intérêt, dû à une réalisation et à une direction d'acteurs sans faille.

Parmi la trentaine de films proposés par le festival de Deauville cette année, ce film s'impose comme l'un des plus forts que j'ai pu voir. Malgré un budget que l'on sent très restreint, le réalisateur a su imposer sa vision des choses et surtout traiter son sujet avec respect et precision.

Son film traite donc, comme le dit si bien Cary Joji Fukunaga, de la reconstruction de la cellule familiale sous ses formes les plus variées. Mais il permet aussi de se rendre compte de la dangerosité des gangs incontrôlables. Nous avons ainsi l'impression de voir sous nos yeux le mal à l'état pur. Ces gangs reposent sur le vol, la torture et tous les actes malsains que nous rejettons. La pauvreté au Mexique explique l'émergence des gangs et le fait que la police ne puisse pas les maintenir.

Les nombreuses scènes se déroulant sur le train nous font découvrir une population très pauvre, mais solidaire. C'est avec des films aussi brillants et intelligents que le cinéma peut avancer et surtout instruire les spectateurs, tout en les divertissant.

J'espère revoir la comédienne Pauline Gaitan très prochainement sur les écrans, tellement son jeu est d'une grande qualité. Ce film est à ne surtout pas rater, quand il sortira le mois prochain !

Vu le 10 septembre 2009, au C.I.D., Deauville, en VO

Note de Mulder: